LE SUICIDE N'EST PAS UN SUJET TABOU

Publié le par lenviedevivre

La prévention du suicide est l'affaire de tous.

Soyons attentifs aux
signes précurseurs du
passage à l'acte suicidaire et redoublons de vigilance quand il y a eu
tentative de suicide.


Jean-Pierre Kahn est Professeur à la Faculté de Médecine de l'Université Henri Poincaré Nancy 1. Il dirige le Service de Psychiatrie et psychologie clinique du CHU de Nancy. Jean-Pierre Vignal est praticien hospitalier au service de Neurologie du CHU de Nancy. Il participe à un groupe de recherche sur l'épilepsie dans le cadre CNRS-CRAN-Université de Nancy 1.


Que pensez-vous des idées, souvent fausses, véhiculées sur le
suicide ?


La prévention et la prise en charge du suicide et des conduites suicidaires
nécessitent d'énoncer quelques vérités simples et de se débarrasser
de certains stéréotypes et idées fausses, néanmoins fort répandues.
Tout d'abord, le suicide n'est ni un acte de courage ni un acte de
lâcheté ; ce n'est pas non plus un choix «librement consenti». Il doit être
considéré comme une mauvaise solution (hélas alors perçue comme la
seule possibilité) pour un sujet ne pouvant trouver, dans un moment de
crise, d'autre issue à une souffrance psychique devenue insupportable.
Il est aussi faux de croire que les personnes qui parlent de suicide
ne passent pas à l'acte : huit personnes sur dix en parlent avant leur
suicide ou leur tentative de suicide.
Et, parler ouvertement de suicide à quelqu'un ne lui donne pas
envie de le faire : au contraire, ceci permet à la personne d'exprimer ses
difficultés, sa souffrance, des idées dont elle a souvent honte et de se sentir
entendue, comprise et en tout cas, momentanément soulagée.

Pouvez-vous nous donner quelques chiffres et repères sur la
situation en France ?


Sur l'ensemble de la planète, le suicide tue environ 100 personnes
par heure actuellement.
La France est, quant à elle, l'un des pays industrialisés les plus touchés par
le suicide se situant, d'après les données de l'Organisation Mondiale de la
Santé (OMS) portant sur 97 pays, entre le onzième et le vingtième rang des
pays avec la plus forte mortalité suicidaire.
En 2000, après une augmentation presque continue depuis 1975, le nombre
des suicides a atteint 11 000 décès par suicide par an, si l'on tient
compte d'une sous déclaration de l'ordre de 20%, soit plus de 1 suicide par
heure, avec un taux moyen de 20 suicides pour 100 000 habitants.
Depuis 1995, cependant, on observe une diminution lente de la mortalité
par suicide dans notre pays, atteignant cependant environ 10 000 décès
annuels. Par ailleurs, on recense dans notre pays 160 000 tentatives de
suicides par an et le deuil lié au suicide plonge annuellement plus de 60
000 personnes dans le désarroi et l'affliction.

Y-a-t-il des populations plus touchées que d'autres ?


Le suicide représente ainsi la première cause de mortalité chez les
adultes jeunes, avant les accidents de la route, et, pour l'ensemble de la
population, la troisième cause d'années de vie perdues, après les maladies
coronariennes et les cancers. Or, il s'agit en partie d'une mortalité
évitable.
En France, aujourd'hui, entre 15 et 74 ans, un homme a 2 «chances» sur
100 de se suicider et une femme 0,7 « chances » sur 100. Ce n'est
statistiquement, pas beaucoup mais c'est en tout cas beaucoup plus
fréquent que de gagner le gros lot (0,00031 chances sur 100 !).
Le suicide est trois fois plus fréquent chez l'homme que chez la
femme.
Le suicide augmente avec l'âge surtout chez l'homme et surtout
après 75 ans.
Mais, numériquement, chez les adultes jeunes (25-34 ans), le
suicide est la première cause de mortalité et chez les adolescents
(15-24 ans), la deuxième cause de mortalité (16%) après les
accidents de la circulation (38%).
En 2004, ces données générales sont parfaitement confirmées, en
Meurthe-et-Moselle, par les statistiques communiquées par l'Observatoire
Régional de la Santé et des Affaires Sociales (ORSAS) de Lorraine.
Les «cibles» principales de la prévention, mais aussi les plus
difficiles à atteindre sont donc les hommes et les personnes âgées.

Quelles réponses sont apportées par les pouvoirs publics pour
prévenir le suicide ?


Ces données inquiétantes ont conduit la France, à partir de 2000, comme
de nombreux autres pays, à instaurer une stratégie nationale d'action
face au suicide. C'est ainsi que la prévention des suicides est l'une des dix
priorités de Santé Publique définie par la Conférence Nationale de Santé, le
Haut Comité pour la Santé Publique (HCSP) et le Conseil Economique et
Social (CES). Par ailleurs, la crise suicidaire, sa détection et sa prise en
charge ont fait l'objet d'une conférence de consensus en octobre 2000,
organisée sous l'égide de la Fédération Française de Psychiatrie (FFP) et la
Haute Autorité de Santé (HAS, ex Agence Nationale d'Accréditation et
d'Evaluation en Santé), dont les recommandations ont été largement
diffusées au corps médical et sont disponibles sur le site de l'HAS
(www.has.fr).

Qu'entendez-vous par crise suicidaire ?

La notion de « crise suicidaire » peut s'avérer utile. Il s'agit d'un moment,
pouvant durer quelques jours à quelques semaines, dans la vie d'une
personne, où celle-ci se sent progressivement acculée à des impasses et est
confrontée à l'émergence d'idées suicidaires de plus en plus envahissantes.
Sa souffrance psychique, sa solitude peuvent alors devenir telles que le
passage à l'acte s'impose progressivement comme la seule issue possible.
Cette conception est importante à comprendre car elle situe le suicide ou la
tentative de suicide dans la dynamique d'un processus évolutif et non pas
comme un acte inattendu, imprévisible et donc inévitable.

Quels sont les facteurs de risque ?

Je parlerai seulement de deux des facteurs de risque principaux.
Les maladies psychiatriques, en particulier les dépressions. Le diagnostic
précoce et la prise en charge médicale de ces affections sont des éléments
importants dans la prévention du suicide. Guider et orienter vers un
professionnel de santé une personne en difficulté est souvent une étape
décisive.
Les tentatives de suicide elles-mêmes. 40% des personnes ayant
réalisé une tentative de suicide récidivent, dont la moitié dans l'année
suivant la première tentative. Un antécédent de "passage à l'acte" est ainsi
l'un des facteurs de risque le plus important de suicide accompli. Ces
personnes doivent faire l'objet d'une attention toute particulière et il est
important de ne pas banaliser une tentative de suicide, quelle qu'elle soit.
Il est aussi très intéressant d'observer les modes de suicide.
Les plus utilisés sont la pendaison (37%), les armes à feu (25%) et
l'intoxication par des médicaments. Ceci a des conséquences pour la
prévention car l'utilisation de ces moyens semble liée à leur disponibilité et
à la réglementation les concernant. C'est pourquoi, en terme de prévention,
le contrôle de l'accès aux moyens de suicide et la diminution de leur
potentiel létal sont des aspects importants.

Comment évaluer l'urgence de la situation ?


Deux éléments doivent toujours être pris en compte : l'existence d'un
scénario suicidaire et l'absence pour le sujet d'une alternative autre que
le suicide. Il est important de pouvoir laisser quelqu'un exprimer ses
idées suicidaires, de rechercher activement s'il existe déjà des plans ou
projets suicidaires élaborés pour orienter et ne pas laisser la personne
livrée à elle-même.

Vers qui se tourner ?



Il faut parfois savoir s'immiscer un peu dans la solitude des personnes, faire
preuve de sollicitude et d'empathie et pour cela, il n'est pas nécessaire
d'être un professionnel.

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Publié dans AIDES

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